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Monde

22 juillet 2006

Le NEPAD, réponse africaine à la mondialisation et à la marginalisation

Mondialisation et régionalisation. Un binôme à priori antinomique, aux antipodes l’un de l’autre. À première vue, ce couple ne saurait faire bon ménage. Il ne peut aller de pair tant il est perçu comme les deux pôles d’une même batterie, le négatif et le positif.

En effet, pour les tenants de cette thèse, il est illusoire de chercher une quelconque complémentarité entre une mondialisation dont l’objectif est de faire tomber toutes les barrières à l’image du mur de Berlin, d’abattre les frontières les plus hermétiques comme celles qui existaient entre l’Ouest et l’Est, de relativiser la toute puissance des pouvoirs centraux nationaux et de mettre les États, les nations et les peuples en synergie et une régionalisation comprise comme une stratégie de dévolution du pouvoir à l’autorité supranationale au moment où le contexte de fragilisation des États exige la consolidation ou la reconquête du pouvoir central, face à un monde extérieur plutôt perçu comme un espace de concurrence, d’agressivité et de conquête de nouveaux pouvoirs.

Bien évidemment, de telles idées aux antipodes l’une de l’autre, ont pendant longtemps effleuré voire enflammé les esprits de beaucoup d’Africains et singulièrement les dirigeants. Une première partie de ces dirigeants sont ceux qui, pendant longtemps, ont trouvé dans la mondialisation un prétexte pour essayer de pérenniser l’État centralisateur au nom d’une prétendue sauvegarde de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale, face à la toute puissance des grands États qui gouvernent le monde. Une opportunité pour ces « petits États » centralisateurs de jouer sur, ce qu’il est convenu d’appeler, l’État-Nation qui se confondait souvent avec le Parti-État conçu pour confiner les peuples dans une sorte de pensée unique, celle décidée de façon unilatérale par les équipes au pouvoir. On se souvient en effet des multiples coups d’État, réels ou supposés et de cette main étrangère baladeuse qui rythmaient la vie politique de la plupart des pays africains et qui, dans bien des cas, avaient conduit à des fermetures de frontières, à des replis identitaires nationaux. La Guinée de Sékou Touré des années 70 illustre parfaitement cet exemple de repli identitaire face à ce que le régime de l’époque considérait comme la cinquième colonne de l’impérialisme.

Pour les tenants de cette thèse, il s’est agi, par la même occasion, de contourner le « piège » de la régionalisation dont la première conséquence était la « provincialisation » de leur État qu’ils estiment être de nature à diluer ou à émietter leur pouvoir souvent chancelant.

Une deuxième catégorie de dirigeants sont ceux qui, conscients du principe sacro-saint que l’union fait la force, préfèrent en revanche conférer une partie de leur autorité à des institutions ou à des organismes susceptibles par leur capacité de négociation et donc de résistance de faire face à la mondialisation. Pour ces derniers, les États, pris individuellement n’ont aucune capacité de résistance face à un monde de plus en plus concurrentiel qui, historiquement, a toujours reposé sur la loi du plus fort.

La détérioration de termes de l’échange, conséquence d’un commerce inéquitable, l’exploitation effrénée des ressources du sol et du sous-sol de l’Afrique, voilà autant de maux qui doivent, selon eux, forcer les micro-États à se regrouper autour d’espaces géographiques et politiques plus viables pour résister. Il ne s’agit plus dès lors, de se replier sur soi-même dans une sorte d’autarcie mais de jouer sur le registre de la régionalisation comme une parade à la mondialisation. Ils jouent ainsi sur les rapports de proximité géographiques et affectifs fondés sur des voisinages historiques culturels qui, tout en contribuant à éliminer les particularismes, transcendent en même temps les vieux réflexes d’ethnicisme dormant et de sectarisme latent.

Il va de soi que dans un cas comme dans l’autre, tous ceux qui ont voulu opposer la mondialisation à la régionalisation ont commis une grossière erreur d’appréciation d’un contexte tout à fait nouveau dont les nouveaux paradigmes appellent d’autres paramètres d’appréciation. Un monde en pleine mutation qui appelle de nouvelles grilles de lecture du fait précisément des bouleversements de nos rapports avec le temps et avec l’espace.

Mondialisation et régionalisation sont en effet devenues, du fait de ce nouvel espace de partenariat et de concurrence qu’est devenu le monde, ce village planétaire comme disait Mac Luhan, des concepts en débats permanents. Il s’agit là, désormais d’un couple indissociable qui non seulement s’accompagne dans un processus d’évolution historique mais aussi se complète et se renforce. Ce sont les deux pôles d’un même fusible qui ne sauraient aller l’un sans l’autre. De leur contact est née cette énergie créatrice qui illumine le monde donne à la nouvelle humanité ce que le Président Léopold Sédar Senghor appelait la civilisation du métissage fondée non pas exclusivement sur le brassage biologique mais aussi et surtout sur les échanges économiques et culturels. C’est cet espace d’échange, que le poète Senghor appelait le rendez-vous du donner et du recevoir. Un rendez-vous que ne sauraient différer ni la frilosité de l’Europe face à la lame de fond que constituent les migrations internationales ni le protectionnisme anachronique de certains pays face à un marché mondial qui chaque jour, abat les frontières nationales.

a) En fait, qu’est-ce que la mondialisation ?

La mondialisation n’a pas le même sens pour tous. Elle n’a pas la même connotation sous toutes les latitudes et à l’intérieur d’un même pays. Le terme utilisé pour décrire l’état actuel de l’économie mondiale est devenu un mot certes à la mode, mais un mot à plusieurs sens dont l’interprétation permet d’apprécier toute la complexité.

S’il est vrai que la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau en soi, il reste que sa signification et ses répercussions particulièrement pour les pays en développement, sont loin d’être évidentes. En tout cas, elles sont les moins bien partagées en ce qu’elles ont engendré comme opportunités pour certains et comme obstacles pour d’autres au risque de susciter un débat permanent. La mondialisation est en débat et c’est le moins que l’on puisse.

Ainsi, un rapide survol de l’histoire récente de l’humanité permet de faire un constat. Les échanges commerciaux et l’investissement étranger direct, les deux indicateurs les plus courants de la mondialisation, ont connu déjà une croissance rapide à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Même si, faut-il le reconnaître, ces échanges avaient surtout porté sur ce qu’on peut considérer comme la période la plus sombre de l’humanité, celle de la traite des esclaves. Cette époque qui coïncide avec celle de l’apogée de l’Occident dans sa conquête du monde a vu l’Afrique plongée, malgré elle, dans la mondialisation. Elle n’avait pas choisi cette voie pour s’ouvrir au monde, elle y a été contrainte en payant un lourd tribut en ressources humaines et en ressources naturelles de toutes sortes au processus d’industrialisation de l’Occident (Europe et Amérique).

S’il y a bien un continent qui, malgré lui, a préparé l’humanité à entrer de plain pied dans le XXIe siècle, c’est bien l’Afrique dont les hommes et les ressources ont partout participé à la création de richesses et à l’édification de la prospérité en Occident.

Une étude commanditée par le Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI) du Canada et intitulée Mondialisation-croissance et marginalisation, fait état des nombreux facteurs qui ont contribué à la marginalisation de l’Afrique dans le processus de mondialisation. Le premier facteur remonte à l’époque coloniale avec d’une part, la balkanisation du continent et le confinement des États dans des liens étroits avec les métropoles. Ainsi, ces colonies qui n’étaient en fait que des pourvoyeurs de matières premières n’avaient jamais pu bénéficier d’infrastructures adéquates et les populations n’avaient pas toujours accès à l’éducation et aux services sociaux de base qui font partie aujourd’hui des critères de pauvreté.

Comme ne cesse de le clamer le Président Abdoulaye Wade du Sénégal, « l’appauvrissement de l’Afrique provient des effets cumulatifs de 300 ans d’esclavage, de 100 ans de colonisation et, depuis l’indépendance, de la domination économique qui se traduit en exploitation de ses ressources et du travail de ses populations par des prix en perpétuelle tendance historique à la baisse. En vérité, cette marginalisation de l’Afrique existe aussi dans l’esprit de nos partenaires du monde développé qui, lorsqu’ils parlent d’économie mondiale, ne font entrer dans ce concept que les pays développés, le continent africain étant à la périphérie, de plus en plus poussé à l’extérieur. Or, pour les dirigeants africains, l’Afrique est bien dans la globalisation par le fait que le développement de l’économie mondiale, États-Unis et Europe, est historiquement très largement le fruit de l’exploitation des matières premières de notre continent et du travail de ses populations à travers les produits d’exploitation ».

D’autres facteurs de la marginalisation de l’Afrique s’expliquent par l’absence ou le caractère inapproprié des investissements et l’instabilité politique engendrée d’une part par l’émergence de forces centrifuges (en raison de la division du monde en deux blocs idéologiques antagoniques : l’Est et l’Ouest, le monde libéral et le monde communiste) et d’autre part par la frilosité des pouvoirs alors en place. On ne compte plus les multiples coups d’État militaires qui ont jalonné la marche de ces pays.

Une division de l’activité économique en plusieurs ères géographiques.

Il faut dire que la dispersion géographique de l’activité économique existe depuis des décennies, voire des siècles avec une division de l’activité économique en plusieurs ères géographiques, allant du monde développé au Tiers monde, en passant par le quart-monde. Une division entre un centre disposant de tous les privilèges et la périphérie considérée comme celle des damnés de la terre pour reprendre les propres termes de Franz Fanon.

Le monde a toujours été partagé entre un Sud pourvoyeur de ressources naturelles, mais aussi consommateur de produits finis et un Nord producteur de biens et services et dépositaire des moyens qui dictent la conduite du monde.

Si la mondialisation peut donc être considérée comme un phénomène continu, on peut estimer que les années 80-90 ont été les témoins d’une accélération du processus. Ainsi, si la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau, on peut se demander si la phase actuelle du processus est différente des phases antérieures. Les nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ont réduit le monde à un village planétaire. Tous les faits et gestes sont vécus presque instantanément dans les quatre coins de la planète. Toutes les découvertes sont connues en temps réel et rien n’échappe plus à la sanction de l’opinion mondiale portée par les citoyens du monde.

* Journaliste

Conseiller technique au Ministère de l’Information

madoukasse@yahoo.fr



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