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Mes très chers amis Depuis les dernières nouvelles, j’ai quitté le lac légendaire Titicaca, l’île du Soleil où d’un village perché sur les hauteurs, je me suis imprégnée des forces profondes des civilisations disparues.
Un vieil homme en poncho de laine de lama
m’a confié qu’il y a très longtemps existait une autre île sur le lac dont le
peuple Inca s’était emparé, une île qui a aujourd’hui disparu, noyée au fond des
eaux...Elle recèlerait de fabuleux trésors.
Je suis arrivée à La Paz, ville
tourbillonnante qui repose dans une cuvette bordée de volcans aux sommets de
neige. Les rues serpentent vers les hauteurs et dégringolent, on a le vertige,
le mal de mer, à 4000 mètres, le froid se lève avec le crépuscule, une foule
incessante grouille, on traverse des marches colorées de fruits et de légumes et
aussi celui si fascinant des sorcières qui offrent amulettes en tout genre et
plantes protectrices. Je m’arrête devant une échoppe d’une vielle chaman ridée
comme un soleil.
Sur l’étale, des oiseaux séchés, des figurines aux symboles bénéfiques, des gateaux
peints pour la Pachamama. Dans un sourire édenté, elle me présente une fiole
multicolore dans laquelle trempent herbes et petits objets de bon augure. Elle m’
avoue d’un regard perçant qu’elle possède tout l’attirail pour l’amour, la
chance et le succès. Elle m’offre un hibou pour la sagesse, une grenouille pour
la fécondité et un serpent pour l’intelligence. Son regard me perce, elle devine
mon enjouement, je ne peux résister.
J’achète toute la palette des amulettes de
tradition andine alors que d’un ton théâtral, la vieille sorcière me promet le
bonheur.
Je poursuis mon chemin, m’aventure dans le formidable désert de sel,
"Salar de Uyuni", une immensité blanchâtre entourée de lagunes pures, de roches
étranges et de cactus géants. J’apprends que Salvador Dali a crée ses "déserts"
inspiré par cette infinité fabuleuse et vierge. Le soleil orange s échoue dans
les sables d’or, je
grimpe sur une montagne avec un jeune homme charmant qui m’entraîne admirer le
couchant.
Le vent se lève, il fait très froid, c’est l’hiver ici, je grelotte et
pleure de froid, le jeune homme me console puis nous dévalons la colline sous
une pluie d’étoiles qui semblent nous tomber sur la tête.
Nous buvons du vin
dans un gîte perdu sur une mer de sable. Je suis saoule et sors marcher à la
lueur de la lune, le ciel est divin, il semble toucher terre, je parle aux
astres, les lumières brillent, je ris, je tombe sur une roche, je m’écroule puis
m’endors dans une vastitude vertigineuse à -10 degré, dans un état extatique.
Le jeune homme me cherche partout, a peur que je meurs de froid et me ramène à
bon port.
A l’aube, des geysers crachent d’épaisses volutes, nous roulons jusqu’
à la frontière avec le Chili, une lagune verdâtre scintille au loin, des
flamants roses s’envolent, je réalise que j’ai presque traversé tout le
continent, dans une absolue
errance.
Il me reste peu de jours, le compte à rebours a commencé, alors je me
dirige vers les terres amazoniennes pour y dénicher impressions et secrets.
Une
pirogue m’entraîne sur les eaux tranquilles de la jungle flottante, tout est
inondé par la saison des pluies, des caïmans braillent, des dauphins roses
suivent la vague d’étrave, nous descendons à terre à la recherche d’un anaconda,
le piroguier le repère à l’odeur, il l’attrape par la queue, la bête fait 3
mètres et s’agite de rage.
Nous remontons à bord pour pêcher des piranhas, le
ciel gris tombe sur les eaux, je suis trempée, je me demande soudain ce que je
fais ici, dans une savane inondée à la porte du poumon du monde, à accrocher
des morceaux de viande à un hameçon...
Je pars sur la route de la mort, terrible
et belle. Dans un village perdu, je rencontre un chaman qui m’offre une séance
curative à la feuille de coca qu’il me frotte comme un savon sur tout le corps
devant un fleuve furieux.
Je rentre à La Paz.
Je rencontre un psychothérapeute passionnant en dépression
qui m’invite à dîner tous les soirs car mes aventures le sortent de sa torpeur.
Pourtant je lui avoue qu’une tristesse m’envahit, un babybluse, d’avoir traversé
tant de pays, de légendes et d’amour et de me sentir si vide maintenant, si
proche du retour. Il me dit de ne pas s’inquiéter, que tout est normal.
Je
quitte la Bolivie et regagne le Pérou.
Mon avion décolle de Lima et les distances en Amérique du Sud sont énormes. Une
escale à Cuzco, ville magnétique qui n’a rien perdu de sa beauté ni de son
mystère, malgré sa notoriété.
Des églises baroques et imposantes, on sort des
saints qu’on promène dans les rues, des défilés se forment, concerts et danses
populaires peuplent la nuit. Je m’imprègne des nombreuses cités incas alentour,
grimpe de temples du soleil en temples de la lune, dans des décors grandioses.
Ces ruines flanquées à de hautes falaises surplombant la vallée qu’une forêt de
nuages cache ça et là, rappellent le faste passé.
Je rêve, m inspire et prie les
forces ancestrales, puis m’aventure jusqu’au Machu Picchu, la merveille du
monde, la perle du voyage. Sur les hauteurs spectaculaires, repose cette cité
mystérieuse et puissante tombée dans l’oubli pendant des siècles. Je puise des
forces, demande l’impossible, la brume se lève et se déverse des montagnes.
Devant la pierre sacrée du
soleil, des visiteurs à genoux, en larmes, implorant les dieux Incas et leurs
pouvoirs magiques, je médite, puise au coeur des choses. Mon voyage s’achève
comme un rêve, il me semble que rien de tout cela n’ait existé, rien de
tangible, seuls mes cahiers attestent de cette vérité. Une mélancolie m’envahit,
il est temps de rentrer, je n’imprime plus rien, tout ce qui devait être dit a
été vécu, je n’en peux plus....Je vous écris de Lima, la nuit est grouillante,
les lumières des églises m’aveuglent, c’est mon dernier jour de nomadisme, je
pense à vous...
Je vous embrasse.
Yanna