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Gens & Sociétés

20 juin 2007

Mamadou Konté du Tringa s’est envolé

Mamadou Konté le célèbre fondateur du Tringa est décédé ce soir à Dakar des suites d’une maladie. Konté qui est par ailleurs mécène de la musique et fondateur du festival Africa Fête a rejoint le ciel à la veille de la fête de la musique qui sera célébrée ce jeudi 21 mai.

Parti de rien, Mamadou Konté est devenu un producteur de musique respecté et influent. Il a fait connaître, en France, en Europe et aux USA, quelques-uns des plus grands musiciens africains. Depuis 1994, il vit à Dakar où il s’active sur un double front : l’émergence de la création artistique et son développement économique.

En 1965, quand Mamadou Konté débarque en France de son Sénégal natal, il n’a pas d’autre perspective d’avenir que le sous-prolétariat. La France a alors besoin d’immigrés illettrés, de bras dociles et corvéables à merci, pour faire tourner sa rutilante machine industrielle. Mais Mamadou Konté est un ingrat. Il n’est pas venu au monde pour simplement survivre et se taire. L’usine sera son école.
Comme dans une pièce de Bertolt Brecht, des camarades communistes vont lui apprendre à lire et lui donner les outils nécessaires à la prise de conscience de son être politique. En 1968, Mamadou Konté est déjà impliqué dans les luttes.
Il mène ses premières grèves dans les foyers de travailleurs immigrés. La France officielle nie toute identité africaine, lui s’engage et milite dans des associations de coopération internationale. En 1974, le premier choc pétrolier sonne la fin des 30 glorieuses. La main d’œuvre sous-qualifiée et sous payée devient inutile. Le chômage grimpe, la xénophobie aussi et l’immigration se transforme en problème. On ferme les frontières. En 1976, le Président Giscard D’Estaing invente “l’aide au retour” : 10 000 francs de l’époque pour solde de tout compte !
C’est dans cette France-là que Mamadou Konté produit son premier concert. Il a compris qu’il faut opposer à la politique d’aide au retour, la stratégie de l’aller-retour. Béranger, puis Nougaro et Lavilliers seront les premiers à lui faire confiance. Le Festival Africa Fête est né. Il sera repris chaque année jusqu’en 1998 et assurera le développement de carrières d’artistes aussi importants que Manu Dibango, Salif Keïta, Ismaël Lo, Positive Black Soul...
Mamadou Konté a créé un fantastique tremplin pour la création musicale africaine, en France d’abord, en Europe et dans le monde ensuite. En 1990, il rencontre Chris Blackwell, le légendaire patron d’Island Records et de toute la diffusion du Reggae aux USA. Ce dernier lâche les moyens... et se récupèrera ensuite sur les artistes... mais ça c’est une autre histoire. Mamadou Konté, lui réalise un rêve : grâce à l’art musical du Mali, du Sénégal, du Niger, il abolit les frontières et réunit les foules. En 1998, sa tournée aux USA rassemble plus de 120 000 personnes. Aujourd’hui Mamadou Konté va tranquillement vers ses 60 ans. Depuis 1994, il est retourné vivre en Afrique. Il s’est fixé à Dakar où il développe des structures de production et de diffusion, mais aussi de formation professionnelle aux métiers de la musique. Il travaille dans l’un des rares secteurs qui, à tous les sens du terme (économique largement compris), est source d’immenses richesses.
Pendant quatre ans, de 1994 à 1998, Mamadou Konté a tenu à bout de bras un Centre d’Action Culturelle, au cœur de Dakar : le Tringa, un ancien hôtel devenu salle de spectacle de 250 places, studio de répétition et de production, mais aussi restaurant, centre de ressources et agence artistique...
En 1998, pour des problèmes de copropriété, le Tringa doit fermer ses portes.
Depuis Mamadou Konté cherche un nouveau lieu à parti duquel asseoir son double projet d’accompagnement de carrière et de formation professionnelle. “Je voudrais prouver qu’il est possible de mettre en place un système d’économie culturelle qui parte de l’Afrique et non de l’Europe”. Toujours dans un esprit d’aller-retour et non de sens unique. Africa Fête continue à travailler avec l’Europe et dispose même d’un point d’encrage, d’une antenne, à Marseille, à la Friche la Belle de Mai.
L’association Cola Production accompagne et prolonge les activités d’Africa Fête.

Mamadou Konté travaille sur l’ensemble de la filière. Ainsi, il participe à l’émergence d’une société civile pour la gestion des droits d’auteur. A ce jour, en Afrique, les droits d’auteurs sont encore gérés par les Etats. Il est également à l’origine d’un réseau de distribution pour lutter contre le piratage de la musique.
“A cause de la prolifération des K7 pirates, les artistes sont spoliés de leurs droits et par effet d’entraînement, toute la profession est fragilisée. Pourtant chaque artiste qui se développe permet de consolider 15 emplois”. L’enjeu est de taille : permettre à “l’industrie” musicale africaine de se structurer. Voici un chantier de développement économique très concret, bâtit sur les ressources locales et s’adressant au monde entier.

Fred Kahn
(extraits de Journal la Friche la Belle de Mai - Mai 2005)

1948 : naissance à Tambacounda au Sénégal
1965 : arrivée en France
1978 : première édition d’Africa Fête en France
1993 : première édition américaine d’Africa Fête
1994 : implantation à Dakar et ouverture de la Villa Tringa
1998 : 20 ans d’Africa Fête au grand parc de la Ville



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