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Auteure très remarquée du roman Le Parlement conjugal, l’écrivaine mozambicaine Paulina Chiziane jette un regard critique sur l’évolution des droits de la femme au Mozambique.
Il est rare de voir une femme africaine parler aussi ouvertement de sexualité. Comment a été accueilli votre roman* au Mozambique et ailleurs en Afrique ?
PAULINA CHIZIANE Naturellement, les femmes ne parlent pas ouvertement de la sexualité, surtout publiquement. Cela a été osé de ma part. J’admets que j’ai eu peur de publier le roman. Je pensais au scandale qu’il pouvait provoquer. Mais j’ai eu le courage de le faire ; et les gens se divertissent beaucoup en lisant ce livre. C’est un véritable succès au Mozambique.
Vous employez parfois un langage cru. Est-ce une manière de montrer l’émancipation des femmes et leur liberté d’esprit ?
Le langage direct est le produit de ma propre liberté, de mon âge peut-être - j’ai 51 ans. Il n’existe plus beaucoup de secrets pour moi. C’est pour cela que je pense qu’il fallait dire les choses telles qu’elles sont.
Vous considérez-vous comme une féministe ?
Je suis une femme, j’aime écrire sur les femmes. Mais est-ce être féministe ? J’écris mon monde. Je suis contre la guerre des sexes. Hommes et femmes ont été faits pour vivre en harmonie et non pas en guerre. C’est pour cela que l’homme ne doit pas se sentir supérieur. Ni la femme, d’ailleurs.
Au Mozambique, la condition des femmes a-t-elle considérablement évolué au cours des dernières années ?
Oui, beaucoup, mais pas pour toutes les femmes. Il y a encore beaucoup de femmes analphabètes et très pauvres. La situation dans les zones rurales est très mauvaise ; il faudrait l’améliorer. Par ailleurs, le gouvernement et certaines ONG ont fait des efforts considérables.
Pensez-vous que l’émancipation des femmes soit en marche en Afrique ?
Il est difficile de répondre à cette question. L’Afrique reste l’Afrique. Dans l’histoire du continent noir, il y a eu beaucoup de femmes puissantes. Mais, avec le colonialisme, l’Afrique s’est occidentalisée et les femmes ont perdu le peu de pouvoir qu’elles avaient. Aujourd’hui, nous cherchons à retrouver un héritage perdu : la tradition. Au Mozambique, nous avons eu beaucoup de reines (pouvoir traditionnel). Dans le nord du Mozambique, il existe toujours de nombreuses femmes jouissant d’un grand prestige dans le cadre du pouvoir traditionnel. Toutefois, parce que ce pouvoir n’entre pas dans le modèle formel occidental, sa valeur est très peu reconnue. L’émancipation des femmes est un immense programme ; depuis la lutte de libération nationale, nous avons plusieurs mouvements de promotion de la femme. En conséquence, le nombre de femmes qui occupent un espace dans la sphère publique s’accroît : c’est le cas de notre Premier ministre, Luisa Diogo, celui de la championne olympique Lurdes Mutola, mais également celui de Graça Machel (épouse de Nelson Mandela), pour citer quelques noms. L’Afrique s’occidentalise rapidement, mais cela ne se traduit pas nécessairement par des progrès de la condition féminine.
La politique est absente de votre roman. Est-ce qu’elle intéresse assez peu les Mozambicains ?
Personnellement, j’aime écrire sur les gens plutôt que sur la politique, Mais la politique occupe dans la vie des Mozambicains un espace central. La plupart des Mozambicains s’y intéressent de près. Moi aussi, de temps en temps.
Le Mozambique est souvent présenté comme un modèle en Afrique. Pourtant il reste l’un des plus pauvres du continent. Comment expliquer ce paradoxe ? Le Mozambique est-il réellement en train de sortir de l’ornière ?
La contradiction entre le modèle de développement et la persistance de la pauvreté est quelque chose que je ne sais pas expliquer ; peut-être qu’un bon politique ou un bon économiste saurait le faire. Le développement, pour moi, signifie d’abord la fin de la guerre et du pain pour chacun. La guerre civile est terminée. Mais la lutte continue à la maison : contre la violence domestique, pour les droits des femmes et des enfants, contre la pauvreté. Nous considérons les nouvelles luttes comme un défi. Sous cet aspect, oui, nous sommes en développement.
* Le Parlement conjugal : une histoire de polygamie (éd. Actes Sud, 2006 ; voir Courrier international n° 663, du 17 juillet 2003).
Propos recueillis par Pierre Cherruau et Gina Milonga Valot
Source : Courrier International