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Gens & Sociétés

10 mars 2006

Ali Farka TOURÉ...

Il est un emblème de l’Afrique.
Texte de Bertrand Lavaine
(Rfi Musique)


Artiste emblématique d’un blues africain nourri par le désert et les eaux tranquilles du fleuve Niger, Ali Farka Touré était devenu un des musiciens-phare de la scène des musiques du monde. Le guitariste malien s’est éteint le 7 mars 2006, provoquant une grande tristesse à travers le monde entier.

Avec la disparition d’Ali Farka Touré, la musique malienne perd l’un de ses plus illustres représentants. Douze ans après Talking Timbuktu, le guitariste venait d’être récompensé en février 2006 par un second Grammy Award, décerné à In The Heart Of The Moon, dans la catégorie du meilleur album de musique du monde traditionnelle. Filmé en 2004 par Martin Scorsese dans From Mali to Mississippi, le musicien a contribué tout au long de sa carrière à mettre en évidence la filiation entre son blues du désert et celui joué dans les champs de coton outre-Atlantique par les descendants d’esclaves africains. Cet autodidacte formé à l’éducation des champs, ami de l’écrivain érudit Hampaté Ba aux côtés duquel il parcourt le Mali, est resté fermement attaché à ses racines, ancré dans une ruralité qu’il voulait défendre, au-delà même de la musique, en remplissant les fonctions de maire de la commune de Niafunke.

C’est là, dans cette ville bâtie sur les rives du Niger et située à 200 kilomètres de Tombouctou, que sa famille s’est installée en 1943, après la mort de son père parti combattre dans les rangs de l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. Né en 1939 à Kanau, près de Gourma Rharous, Ali Ibrahim Touré appartient à une famille noble qui ne voit pas d’un bon œil l’intérêt que le jeune garçon portait à la musique. Le spectacle du Guinéen Fodeba Keita, fondateur des Ballets africains, auquel il assiste en 1956, agit comme une révélation et renforce sa passion pour la guitare qui devient son instrument favori. Très vite, il joue avec des groupes traditionnels locaux, puis se produit dans tous les concours et festival du pays avec la troupe du district de Niafunke dont il se voit confier la direction peu après l’indépendance du Mali. Remarqué, il est invité au festival international des arts en 1968 et profite de son premier voyage hors d’Afrique pour acheter à Sofia, en Bulgarie, sa première guitare. À la même époque, il découvre avec enthousiasme le blues américain, en particulier celui de John Lee Hooker, et remarque une certaine proximité avec la musique des Tamashek qui peuplent le nord du Mali.

La consécration

La dissolution des groupes régionaux le conduit à intégrer en 1971 l’orchestre de la radio nationale malienne. Les émissions sont un formidable tremplin pour sa notoriété. Dans les studios de la RTM (Radio Télévision du Mali), il enregistre en 1974 son premier disque et débute à 35 ans une carrière solo. L’artiste se rend en France où sort son album, suivi rapidement par quelques autres, mais il préfère retourner sur ses terres de Niafunke en 1980. Sollicité pour des concerts dans toute l’Afrique de l’Ouest, Ali Farka Touré n’oublie pas d’enrichir sa discographie avec des albums tel que La Drogue et Sidy Gouro, réédités et rassemblés en 2005 avec sous le titre Red & Green.

Sa carrière est marquée par un nouveau tournant en 1987 : le succès de sa première tournée internationale, passée par les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni - où il joue devant 18 000 personnes réunies dans le stade de Wembley lors d’un festival - attire l’attention de la maison de disques britannique World Circuit. Le producteur Nick Gold lui fait enregistrer trois albums en quatre années. Avec The River et The Source, sur lequel le Malien invite le bluesman américain Taj Mahal, Ali Farka Touré devient l’une des figures africaines incontournables sur la scène des musiques du monde. Talking Timbuktu, en 1993, a des allures de consécration : l’album en duo avec le guitariste Ry Cooder est distingué par un Grammy Award, décerné par l’industrie musicale américaine. Fort de cette reconnaissance internationale qui a fait de lui un ambassadeur de la culture malienne, il fait pourtant savoir après Radio Mali qu’il a l’intention de se consacrer à l’agriculture.

Ses apparitions en concert se font plus rares, ses disques aussi. Et quand il réapparaît en 1999 avec Niafunke, c’est pour annoncer qu’il met un terme à sa carrière. Mais le cultivateur, devenu maire, a bien du mal à faire taire le musicien qui a toujours envie de s’exprimer. En 2004, pour la première fois en quinze années de collaborations avec Nick Gold, c’est lui qui envoie au producteur de nouveaux enregistrements. Le Britannique comprend le message et arrive aussitôt à Bamako. Trois séances de deux heures ont suffi à l’enregistrement d’In The Heart Of the Moon. De la musique à l’état brut, comme Ali Farka Touré aimait la jouer.

Bertrand Lavaine (Rfi Musique)




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